CETTE QUINZAINE
⚖️Le dilemme : S’il y a bien un sujet qui me met en boule, qui me file mal au ventre, et sur lequel je me sens relativement impuissante, c’est celui des inégalités.
Qu’elles concernent les conditions de travail ou d’accès à l’éducation, les disparités géographiques, le niveau de vie (patrimoine, écarts de salaires) et donc de consommation, etc., les inégalités se retrouvent à peu près à tous les étages d’après l’Observatoire des inégalités.
La France s’illustre ainsi comme étant l’un des pays riches les plus inégalitaires avant impôts et redistribution. Cela s’explique en partie par un inégal accès aux études supérieures et à des conditions de travail dont la pénibilité est loin d’être la même pour toutes et tous, encouragée par « les exigences de flexibilité d’une société prospère, confortable pour une large classe favorisée ». Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, sur ce dernier point la dégradation physique des conditions de travail a doublé en l’espace de 40 ans.
Les grandes tendances demeurent et se creusent, inquiétantes..
🚦Ce qu’il ne fallait pas rater :
-Le pied sur la pédale. Oui les émissions de GES de la France ont baissé de 1,8% en 2024, mais cette baisse est bien moindre que celle enregistrée notamment en 2023, qui avoisinait les 5,8%. En d’autres termes, le ralentissement du rythme de réduction témoigne d’un essoufflement du rythme de décarbonation, et notamment de la traîne des secteurs du bâtiment et des transports.
-Alerte rouge. De très nombreuses associations, fondations sont en souffrance, du fait notamment de retraits d’agréments ou de baisses des financements. C’est désormais au tour du Planning familial de tirer la sonnette d’alarme, inquiet des répercussions sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et l’accès aux droits et à la santé sexuelle et reproductive.
-Méfiance sur l’étiquette. En plein examen de la proposition de loi sur la fast-fashion, le Sénat a finalement (agréablement) surpris, en maintenant les pénalités et bonus sur la base d’un « coefficient de durabilité » des textiles. Une posture que saluent les ONG, qui ont décidé en outre de continuer à soutenir la référence à l’affichage environnemental et l’interdiction de la publicité de l’ultra fast-fashion.
-Protection or not ? La Conférence des Nations Unies sur les Océans a été l’occasion d’une vaste opération de comm’ de la part de la France, pays hôte. À coup de tribunes, E. Macron déclarait:« un cap a été fixé lors de la COP15 sur la biodiversité : nous devons protéger 30% de nos terres et nos mers. De cet objectif commun, la France entend prendre toute sa part ». Sauf qu’entre l’annonce selon laquelle 33% des aires marines françaises seraient protégées, et leur réalité (qui avoisine 1%), on est loin du compte. Entre temps, la comm’ a été révisée : 10% des aires marines protégées françaises (y compris outre-mer) le seront de façon « contraignante », sans que l’on sache bien ce que cela signifie. Rame, rame, rameurs, ramez..
🚨L’alerte : Un demi-journalisme. Un travail d’information inachevé. Le constat de l’auteur et analyste des médias Thomas Baekdal n’est pas tendre. Plusieurs fois, moi aussi, je me suis posé la même question : est-ce qu’un journalisme qui ne traite que du « QQOQCC » (qui, quoi, où, quand, comment, combien), sans traiter du « P » (pourquoi) rend-il réellement service à ses audiences ? En clair, est-ce que le fait de rapporter simplement des faits, sans les mettre en perspective aide à notre compréhension du monde, à notre engagement? La réponse est assurément non ! Certes les rédactions manquent de temps, manquent parfois de formation technique, privilégient le volume de production à la création de valeur. Mais pourquoi s’arrêter à la simple narration des faits, sans chercher à comprendre ce qui en est à l’origine, ce qui permettrait de saisir un phénomène dans son ensemble et sa granularité (et donc l’intégralité de ses enjeux), plutôt que de ne montrer qu’un bout du problème, et donc des solutions ? Une exigence de pédagogie à laquelle devraient tendre à la fois les éditeurs et les audiences si elles ne veulent pas devenir de simples « consommatrices ».
CE QUE JE VOUDRAIS VOIR PLUS SOUVENT
Après les magistrat.e.s, les juristes ! Créé en avril dernier, le Cercle des juristes sur les droits de la Nature rassemble universitaires, praticien.ne.s, chercheur.e.s et juristes d’ONG – soucieux de croiser leurs points de vue, de rendre accessibles leurs travaux au grand public, d’ouvrir un espace de dialogue avec pouvoirs publics et société civile et de réfléchir aux modalités concrètes de reconnaissance des droits de la Nature dans le cadre juridique français.
AVANT DE PARTIR
Avec la verve et la spontanéité à laquelle il nous avait habitués dans « La vie est belle », l’acteur et réalisateur Roberto Benigni s’est emporté à la télévision italienne, appelant les chefs d’Etat à la fin de l’escalade de la violence. « Quand les enfants jouent à la guerre, quand l’un d’eux se blesse, se griffe, le jeu s’arrête (…) S’il vous plait, ne répondez pas à la guerre comme nous l’avons fait nous-mêmes après les tours jumelles, en répondant à une horreur par une autre ». Une exhortation qui prend encore une tout autre ampleur depuis le début de semaine.