13 décembre 2023

CETTE QUINZAINE

⚖️Le dilemme : Vouloir y croire tout en restant sur ses gardes. C’est un peu cette sensation mitigée qui s’est installée depuis la fin de la COP 28 à Dubaï.
C’est vrai. Quelques signaux forts ont été envoyés.
Dès le début, on confirme la création du fonds « pertes et dommages » et on promet de le doter de quelques centaines de millions de dollars. En réalité, il en faudrait des centaines des milliards par an.
Puis 134 pays annoncent vouloir inclure l’agriculture et l’alimentation dans leurs plans climat, leurs stratégies d’adaptation et leurs stratégies pour la biodiversité d’ici à 2025. En réalité, il faudrait des indicateurs précis et des ambitions sur nos régimes alimentaires.
C’est ensuite la promesse de 116 pays de tripler les capacités d’énergies renouvelables d’ici à 2030 et de doubler le rythme annuel de progression de l’efficacité énergétique jusqu’en 2030. Et pour certains, cela s’accompagne de la volonté de multiplier par 2 la production du nucléaire. En réalité, au-delà de ces efforts, c’est aussi notre demande en énergie qu’il faudrait questionner.
Et enfin, cette dernière formule acrobatique : « transitioning away » – « transitionner hors des énergies fossiles que sont le charbon, le pétrole et le gaz (…) de manière juste, coordonnée et équitable pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ». Le texte cite les énergies fossiles (enfin !), fait le point sur l’état des lieux actuel et pointe le décalage entre ce qui est promis et ce qui était nécessaire. Une façon de reconnaître « un constat scientifique solide et irréfutable qui ne laisse aucune place au déni » dira Valérie Masson-Delmotte, ex co-présidente du GIEC, et d’envoyer un signal aux industries et au marché.
Mais en réalité, de nombreuses lignes de l’accord sont encore trop approximatives, insuffisantes et laissées à la discrétion des Etats.
La réalité, c’est donc ce fragile jeu d’équilibristes annuel dont nous ne pouvons malheureusement pas nous passer.

🚦Ce qu’il ne fallait pas rater :
–       Judiciarisation. A Bruxelles, la Cour d’appel vient de condamner pour inaction climatique l’État et les régions (à l’exception de la Wallonie), donne une contrainte chiffrée (-55% de GES d’ici à 2030) et n’exclut pas de prononcer une astreinte lorsque les données 2022-2024 seront publiées. A Mayotte, la crise de l’eau se cristallise elle-aussi devant les tribunaux. 300 usagers, exaspérés par la mauvaise gestion des pouvoirs publics les obligeant à boire de l’eau impure ou à être rationnés, ont déposé une plainte pénale.
–       Assurance anti-pauvreté. Aujourd’hui en France, 1 Français sur 5 court un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Et l’inflation est encore ardente. Carrefour en a fait une opportunité commerciale en annonçant le déploiement d’une assurance privée pour permettre aux consommateurs qui le souhaitent de maintenir un niveau d’alimentation convenable, même en période de tension. Le principe de solidarité nationale et de droit universel à l’alimentation ont de quoi s’inquiéter.

🔎Le chiffre : un libraire en ligne dédié à la littérature jeunesse et à l’éducation révélait il y a quelques jours que son compte était suivi à 94% de femmes. Et les 6% d’hommes sont une grande majorité d’auteurs, d’illustrateurs et d’éditeurs. Où sont les papas?

🗣La phrase : Pour Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, « la transformation à engager est d’une ampleur comparable à celle de la première révolution industrielle« . Ah oui ? En autorisant 8 nouveaux forages pétroliers en Gironde, sans doute la ministre est-elle restée bloquée au 18e siècle.

ENTRE VOUS ET MOI
« Ces points que tu soulèves – la contextualisation, la précision dans les termes employés, la parfaite compréhension des connexions qui existent entre les enjeux systémiques – montrent que nous – journalistes – devons mieux nous préparer à traiter des problématiques environnementales et climatiques. On doit veiller à soigner nos définitions, nos explications, nos illustrations en les rendant plus concrètes et mieux adaptées à notre public ». C’est par ces quelques mots reçus d’un journaliste cap-verdien que s’est terminée ma mission d’accompagnement éditorial à la COP 28 auprès de 5 journalistes.
Ca n’a pas été simple : jongler avec des sensibilités et des connaissances techniques différentes, composer avec plusieurs fuseaux horaire et heures de diffusion, perdre son latin en passant du français, à l’anglais au portugais, gérer trois types de médias différents, et s’y retrouver dans cette grand-messe internationale.
Mais je ne retiendrai qu’une chose : l’impérieuse nécessité de former solidement tous les journalistes sur ces enjeux et de leur assurer une représentativité dans ce type d’événement, pour porter la voix des populations les plus impactées et renforcer le débat démocratique.

AVANT DE PARTIR
Hiatus prendra bientôt quelques congés. En attendant, nous remercions toutes les personnes croisées sur notre chemin cette année, qui nous ont encore aidé à grandir, à nous renouveler et à nous défier. Merci pour votre soutien. Et très belles fêtes à toutes et tous.